Les incendies de ce mois de juillet 2022 ravivent en moi le terrible souvenir du "grand feu" meurtrier de l’été 1949.
Le conflit 1939/1945, avait laissé nos forêts en piteux état. Les moyens de lutte contre le feu étaient très peu efficaces et après trois étés caniculaires, la chaleur était accablante en cet été 1949 pratiquement sans pluie depuis le 10 juin. Les forêts du Sud-Ouest brûlent depuis le mois d’avril. Dès la mi-juillet, les feux sont signalés dans la Gironde, les Landes et le Lot-et-Garonne. Au fil des jours, des milliers d’hectares de pins flambent. On s’habitue à vivre au son du tocsin appelant les pompiers qui, à cette époque, sont pour la plupart à l'extérieur des casernes.
Au 18 août, la Région a déjà perdu 100 000 ha de forêts. Les 19 et 20 août, aux portes de Bordeaux, 52 000 ha seront dévastés dans l'incendie le plus meurtrier ( 82 victimes ), qu'ait connu la France. Médocain de 14 ans à l'époque, habitant près de la lande et des forêts ravagées par le feu, j'ai gardé le souvenir du tocsin et de ces jours sans soleil !
Un très grand merci à Cathy Lafon, journaliste à "Sud Ouest" et responsable des Archives du journal, de nous permettre d'insérer l'article ci-dessous dont elle est l'auteure.
Georges Billa
En 1949, quand « l’incendie du siècle » faisait rage aux portes de Bordeaux.
Le 19 août, à 14 h, un nouvel incendie éclate à Saucats, près d’une scierie, au lieu-dit du Murat, aux portes de Bordeaux. Comment a-t-il démarré ?… C’est probablement une cigarette mal éteinte dans une cabane de résinier qui aurait causé ce que l'on appelle encore aujourd’hui « le feu du siècle ». De toutes façons, une étincelle suffit à déclencher la catastrophe, tant la forêt est sèche.
Une véritable bataille s’engage et se poursuivra plusieurs jours après son point culminant, le 20. Le vent souffle du nord, attisant le feu qui se joue des contre-feux des forestiers. Sur un front de huit kilomètres, l’incendie monstre avance de treize kilomètres, franchit la route Bordeaux-Bayonne et gagne Le Barp, Salles, Marcheprime, Pierroton, Cestas, Gazinet… C’est la panique. Les habitants s’enfuient, emportant de maigres biens sur des charrettes.
« Ceux qui restent arrosent d’eau les murs des maisons pour tenter de les sauver », se souvient Eliane Pilles, 86 ans. Cette Gradignanaise, alors âgée de 13 ans, était en vacances chez son oncle, à Marcheprime. Le vent tourne brusquement à l’ouest. À Bordeaux, où sa famille l’a évacuée, c’est l’angoisse. « Des cendres flottaient dans l’air. A 16 heures, il faisait nuit. Les voitures roulent phares allumés, on allumait les réverbères... »
En vacances à Arès, sur le bassin d’Arcachon, Jean-Michel Bez, 78 ans, avait cinq ans à l’époque. Il venait d’être opéré après avoir marché sur des coquilles d’huîtres. « Mon père aidait les pompiers pour défendre l’aérium d’Ares avec pour seule arme, des branches pour taper sur les flammes, méthode encore plus rustique que les arrosoirs des militaires ! », se souvient-il. Lui, était assis sur une chaise au bout de la jetée pour respirer le moins de fumée possible, prêt à se jeter dans l’eau si le feu atteignait le village. Sauf qu’il ne savait pas nager...
« Heureusement, conclut-il, Arès n’a pas été atteint ».
Tournoyant sous l’effet du vent, l’ogre rouge prend à revers les hommes qui s’activent. C’est la tragédie : 52 000 hectares en flammes, 152 fermes, maisons et scieries détruites et surtout, on pleure 82 morts, dont 25 jeunes soldats péris carbonisés. Avec 29 morts, Canéjan (400 habitants) paie le plus lourd tribut.
La mairie de Cestas est transformée en chapelle ardente. Parmi les victimes civiles, le maire de Saucats, René Giraudeau, « mort en héros à la tête des sauveteurs », relate « Sud Ouest dimanche », le 21.
Le standard téléphonique du journal est submergé d’appels angoissés de gens à la recherche d’êtres chers, et d’appels à l’aide.
Paris envoie l’aviation et de puissants renforts avant de décréter le 24 août jour de deuil national.
Le 24 septembre 1949, le général de Gaulle se rend en Gironde pour rendre hommage aux victimes des incendies de forêt dans les Landes et en Gironde.
Depuis, d’autres pins ont poussé.
Mais les images infernales de « l’incendie du siècle » ont marqué à jamais la mémoire de ceux qui l’ont vécu, mais aussi celle du pays.
Cathy Lafon