Jusqu'au milieu du siècle dernier, nos forêts de pins étaient exploitées très différemment d'aujourd'hui.
Éclaircis lorsqu'ils atteignaient la grosseur d'un poteau téléphonique, les pins qui étaient abattus partaient en "poteaux de mines" vers les mines françaises ou anglaises par les ports de Bordeaux et de Bayonne.
Par la suite, le pin devenu adulte était gemmé : terme qui voit le résinier saigner le pin pour en tirer le suc résineux par lequel on obtiendra de l'essence de térébenthine et du goudron notamment.
Du Médoc au pays de Buch, du Maransin aux Grandes Landes..., ces commerces sont florissants.
Le résinier procède par plaies ("carres") d'un mètre de long environ. Mais grâce à son "pitey", échelle à une seule jambe de bois de pin de 2 à 3 mètres de haut flanquée de cale-pieds, certaines "carres" peuvent atteindre 4 mètres de haut. Ainsi ces pins présentent de nombreuses carres tout autour du tronc. On en a compté jusqu'à 30 ! Certains pins résinés à mort servaient aussi en ébénisterie.
Après une relance timide vers les années 1961/1970 avec l'aide de l'acide, l'exploitation de la résine n'étant plus rentable a été arrêtée.
Au fil des ans, l'arbre, de plus en plus creux dans son aubier, s'est armé sur son pourtour de "béquilles nourricières" (ourets) pour à la fois remonter la sève assurant sa
croissance, tout en consolidant sa résistance aux vents.
C'est ainsi qu'au mois de juillet dernier, nous avons assisté en forêt usagère de La Teste de Buch, à un phénomène pratiquement unique : les aubiers des pins creux, mais chargés de gaz résineux emprisonnés et surchauffés par les feux extérieurs explosèrent : image déchirante de ce pin tendant, comme une supplique, les moignons de ses bras nourriciers vers le ciel.
Georges Billa
Le pin des Landes
On ne voit en passant par les Landes désertes,
Vrai Sahara français, poudré de sable blanc,
Surgir de l’herbe sèche et des flaques d’eaux vertes
D’autre arbre que le pin avec sa plaie au flanc,
Car, pour lui dérober ses larmes de résine,
L’homme, avare bourreau de la création,
Qui ne vit qu’aux dépens de ceux qu’il assassine,
Dans son tronc douloureux ouvre un large sillon !
Sans regretter son sang qui coule goutte à goutte,
Le pin verse son baume et sa sève qui bout,
Et se tient toujours droit sur le bord de la route,
Comme un soldat blessé qui veut mourir debout.
Le poète est ainsi dans les Landes du monde :
Lorsqu’il est sans blessure, il garde son trésor.
Il faut qu’il ait au cœur une entaille profonde
Pour épancher ses vers, divines larmes d’or !
Théophile Gautier – 1840.