Où il est question de Georges Clémenceau...
Dans la mythologie grecque, le dieu Apollon amoureux de la prêtresse Cassandre, la plus belle des filles du roi de Troie Priam, lui fait don de la prédiction. Éconduit, et ne pouvant plus lui retirer ce don, il lui octroie le fait que personne ne la croira jamais !
S'agissant du domaine de la défense, sujet aujourd'hui vendeur, les "lanceurs d'alertes", nouveaux "Cassandres", fleurissent dans le monde médiatique, car en ces temps particulièrement troubles, où l'international géopolitique est de moins en moins lisible, une question se pose avec de plus en plus d'acuité : nos moyens de défense sont ils en capacité d'influer sur le cours de notre avenir ?
"Sommes-nous prêts pour la guerre" ?
Dans un article paru sur "Solidarité militaire" N°789 de février 2024, organe de la Confédération Nationale des Retraités Militaires (CNRM), Jean-Dominique Merchet, journaliste spécialiste des questions militaires, stratégiques et internationales, livre un point de vue très pessimiste sur nos capacités de défense dans le cas où nos forces armées seraient engagées dans un conflit conventionnel. Doit-on le croire ? Je n'entrerai pas dans les détails de son analyse, mais une phrase a néanmoins retenu mon attention.
Citant Marc Bloch il dit : « Les grandes défaites sont d'abord intellectuelles, il y a en France une sclérose de la pensée militaire et stratégique... ». (Pensée englobant semble t-il l'ensemble de la Nation). Mais, rajouterai-je, Georges Clémenceau ne disait-il pas : « La guerre ! C'est une chose trop grave pour la confier à des militaires » ?
Concernant l'ensemble des domaines stratégiques : Armées, énergie, industrie… cette pensée a vu, au fil des temps, le militaire peser de moins en moins sur les décisions engageant notre pays sur les moyen et long termes
Concernant une sclérose de la pensée militaire en France et sans remonter à Clémenceau, (1887), repassons-nous le film de l'Histoire encore chaude chez les plus Anciens.
1945. Après 5 ans de guerre, nos trois couleurs, en une véritable explosion, éclosent du plus humble balcon de métropole aux plus lointains de l'empire. La France bleu blanc rouge est à genou. Fièrement, elle redresse la tête et contre tout, reprend fièrement sa place dans le concert des nations.
Hélas, nos belles fleurs aux trois couleurs, à peine fanées, vont être rapidement remisées au rayon des accessoires : éternels bien pensants, ceux qui n'ont tiré aucune leçon de ce qui s'est passé, feront rapidement du militaire l'imbécile de service ridiculisé par les gens du spectacle.
Ce brouet antimilitariste, fleurette dans les médias, fera son œuvre jusqu'à nos jours et jusqu'au plus profond de la Nation.
Revenant à la pensée de Clémenceau, je dirai que l'action de guerre, du haut en bas de l'échelle hiérarchique, est avant tout une affaire de spécialistes. Préparer la guerre afin d'assurer l'indépendance et la sauvegarde de la Patrie, c'est ce vers quoi tend le militaire, dans la recherche d'efficacité et d'économie de vies humaines.
Contrairement au civil qui, dès la paix retrouvée, pris par d'autres soucis fussent-ils tout à fait louables, remettra au lendemain, souvent pour des raisons de basse économie, des décisions de fond concernant la défense.
Pour autant, le militaire doit-il être le seul décideur en matière de défense ? Bien sûr que non, mais de même que les budgets qui sont consacrés à cette dernière devraient être tout à fait prioritaires, au lieu de servir de variable d'ajustement, la voix du militaire devrait être également mieux prise en considération.
En fait, en ces temps exceptionnels, où notre pays est en paix depuis des décennies, notre mémoire semblable à celle du sable, longtemps découvert lors d'une grande marée, a perdu la mémoire de l'eau.
Nos militaires, eux, font leur devoir pour le mieux, comme ils l'ont toujours fait, dans le respect de leur engagement au service de la France.
Avec la confiance et le respect que doit leur accorder la Nation toute entière.
Jean Boulade
Bulletin Grillade samedi 15 juin 2024