Actualités

Danser sur les vagues

Ce 4e opus de Marie-José ABLANCOURT, épouse d'un membre de l'amicale et une des rédactrices dans notre bulletin, peut être acheté soit sur : www.edilivre.com

Lire la suite...

La France Mutualiste

Prochaine permanence de France Mutualiste à l'Amicale mardi 16 avril 2024.
Sur rendez-vous

Lire la suite...

Mi-février 1974, la 92ème Escadre de Bombardement (92EB) se prépare pour une mission de couverture photo sur la zone de Djibouti. Quelques années plus tôt, cette même opération était réalisée par le plus court chemin : Bordeaux, Solenzara, Le Caire, Djibouti.
La situation géopolitique du moment dans cette zone du Proche-Orient ne permettant pas de reprendre cette option, un nouveau trajet plus sûr est programmé, plus long mais moins risqué utilisant les bases de l’OTAN, Brindisi (Italie), Incirlik (Turquie) et Djedda (Arabie Saoudite).
Convoyer deux Vautours IIB nécessite une grosse logistique. Un Transall est donc affrété remplaçant le vieux Nord-Atlas des premières missions. Ces Vautours de vingt tonnes en plein complet ne sont pas de première jeunesse. Il nous faut prévoir pas mal de matériel de dépannage pour le cas où ! Une idée géniale de notre officier mécano le capitaine Pierre Gourgues (Membre de l’Amicale décédé fin 2022) : un cube grillagé compartimenté fixé sur une palette permet à chaque spécialité de pouvoir stocker du matériel susceptible d’être utilisé rapidement.
Un seul avion de transport ne nous permettant pas d’assurer tous les départs puis les arrivées, seule l’arrivée à Brindisi nous incombe. Nous sommes partis avant les Vautours. Les autres arrivées seront assurées par les services Escales des bases concernées.

Premier trajet RAS. Nous préparons les avions pour l’étape suivante : Brindisi – Incirlik. En soirée, un bus nous amène visiter la ville. Nous apprenons ce qu’est la conduite à l’Italienne : les stops pas d’arrêt, les feux rouges pas vus ! Encouragé par de nombreux « Olé ! » le chauffeur nous dépose en ville. Pas la moindre femme dans les rues : c’est le sud de l’Italie ! Coté resto, j'y ai mangé les meilleures pâtes à la carbonara de ma vie !

Deuxième étape, direction la Turquie. A Brindisi, nous assurons le départ des avions. Trajet sans problème. A leur arrivée, les avions sont parqués et gardés par des mécanos et des soldats turcs dans une zone bien protégée. Quelques heures plus tard, notre Transall se positionne à leur côté.  Visites après vol (APV) terminées, nous gagnons la zone vie, nous nous changeons, et direction la ville où une table nous est réservée. Le salaire de la peur ! Il faut passer des collines : une dizaine de kilomètres de tous les dangers. Passé le sommet, de l’autre côté, pour faire des économies d’essence le chauffeur fait la descente au point mort. Là, pas de "Olé", on serre les fesses ! Un repas plutôt frugal nous est servi sans alcool bien sûr. Soirée à oublier !
Le lendemain,  visites près vol (PPV) et complément de plein. Bizarre, les deux bidons de chaque avion d’une contenance totale de 2500 l par avion ont grossi. Ils contiennent maintenant 3000 l. Le soutier ne veut pas admettre qu’il y a un problème. Un chef est appelé. Je lui fais constater que le débitmètre de son camion-citerne commence à 500 l. Il est bien obligé de se rendre à l’évidence. L’incident est clos. Nous allons pouvoir repartir.

Direction Djeddah.
Là encore, trajet sans histoire. "Les formes 11" indiquent RAS. A notre arrivée, APV et plein interne des avions. Nos VIIB possédant un drainage carburant des réservoirs, avec la chaleur, la dilatation du carburant engendre de grosses nappes de carburant sous les Vautours. Alerte maxi à l’aéroport. Branle-bas de combat : pompiers et autorités portuaires sont là. Problème résolu en mettant de plus gros bacs de récupération sous "les pissettes" et un camion pompier en faction. Incident clos ! Soirée plutôt tristounette. Après un repas au lait de chèvre, nous sommes cantonnés dans 2 chambres sur des lits pliants. Interdiction de sortir. Un soldat monstrueux (immense) garde la porte. Vivement demain !

Départ dans la matinée direction Djibouti.
Sortie de piste d'un Vautour !
C’est ce que nous apprenons dans l'avion ! À l’arrivée à Djibouti un des avions a fait une sortie de piste. Le pilote sans doute fatigué a mal maitrisé son "posé". Plus de peur que de mal pour l’équipage. Le navigateur dans sa bulle à l’avant du fuselage a dû avoir très peur.

Constatations réparations…
Comble de malheur, la veille il a plu des trombes d’eau et l’avion s’est embourbé jusqu’aux moyeux des roues. À notre arrivée, nous constatons qu’il a été ramené sur le parking et qu’il est dans un état lamentable. Pas de temps à perdre. Il faut de suite le laver pour éviter à la boue de trop sécher et surtout d’évaluer l’étendue des dégâts, la boue maculant tout le dessous du fuselage et des trains. Il est urgent de faire une inspection de l’avion et de commander les pièces nécessaires pour le rendre disponible, au moins pour le retour. Des heures et des heures de boulot sous une chaleur épuisante et un taux d’humidité maximum. Les roues, les disques de freins sont déposés, nettoyés, inspectés. Ouf, les moteurs n’ont pas été touchés. Dans les trains d’atterrissage, tout est à vérifier. Certaines pièces tordues doivent être changées. Sur le fuselage, pas de dégâts majeurs, cependant, la glace frontale du poste navigateur est fêlée. Il faut la changer. Bien sûr, nous n’avons pas les pièces de rechange. Commandées en urgence, elles nous seront livrées le surlendemain grâce à un avion d’Air France. Tout en remettant l’avion en état, nous assurons la mission avec l’autre VIIB.
À Djibouti nous étions attendus par Jean, un ami surnommé « Soussou », ancien de la 92. Il a planifié nos maigres loisirs, et pour cause ! Les après-midi trop chauds sont chômés. Impossible d’utiliser la petite piscine de la Base, elle est trop chaude. Sorties en soirée : resto, ciné en plein air, méchoui de chèvre chez le frère de notre officier mécano et balade dans la ville, notamment au marché à la viande. A voir mais beurk !
Après de longues heures de boulot, tous les contrôles en statique effectués, l’avion est remis sur ses roues. Le lendemain, point fixe de contrôle réacteur à cinq heures du matin (avant les grandes chaleurs). Essai de freins puis vol d’essai satisfaisant : avion dispo pour finir la mission.

Retour prévu le 13 mars. Djibouti – Djedda, RAS. Le lendemain, direction Incirlik. Nous suivons les avions, et là... problème. Durant le vol, un des deux VIIB a un problème. Panne de transfert de soute arrière. Obligés de se poser sur l’aéroport d’Abadan en Iran. Nous les rejoignons. Recherche de panne. Pas grave ! La pompe de transfert soute arrière est à changer. Ouf, on en a une !

Le 14 mars, nous sommes en piste en train de préparer les avions. C’est là que nous apprenons le décès de notre Président : Georges Pompidou. Coup de froid sur la mission. Le soir, nous sommes hébergés dans un hôtel grand standing et à l’heure du repas nous sommes accueillis dans la salle du restaurant au son d’une "Marseillaise" jouée par un orchestre dont les musiciens s’avèreront être Italiens. Quelle émotion et quel honneur en cette triste journée !

Fin du voyage. Sans problème, sauf en Turquie où durant la remise en oeuvre de nos avions nous voyons débouler une jeep de MP avec le commandant de base. D’un doigt inquisiteur, un soldat désigne un membre de l’équipage du TransalI qui avait pris des photos sur le parking. La pellicule lui est confisquée et blanchie. Sans doute une petite vengeance par rapport à l’aller. Incident clos et retour sur Bordeaux via Brindisi. À l’arrivée sur l’aéroport, les douanes nous proposent de nous déplacer à leur poste plutôt que l’inverse, ce que nous préférons d’ailleurs, car de Djibouti nous rentrons avec une soute plus "chargée" qu’à l’aller !

Mission accomplie.
Pas des vacances, comme certains ont pu le penser, mais quels souvenirs que cette épopée !