Actualités

Élévation d'une stèle commémorative sur la BA 120 de Cazaux

Le colonel Pierre Charrier commandant de la Base Aérienne 120 et la Base de Défense de Cazaux souhaite faire élever une stèle commémorative afin de rendre hommage à tous les aviateurs et combattants qui, depuis 1917, ont donné leur vie pour la France en opérant depuis cette Base.

Lire la suite...

La France Mutualiste

Prochaine permanence de France Mutualiste à l'Amicale mardi 27 mai 2025.
Sur rendez-vous

Lire la suite...

Danser sur les vagues

Ce 4e opus de Marie-José ABLANCOURT, épouse d'un membre de l'amicale et une des rédactrices dans notre bulletin, peut être acheté soit sur : www.edilivre.com

Lire la suite...

De Marie-Josée Ablancourt

En hommage aux victimes de l’attentat du Bataclan, le vendredi 13 novembre 2015

Comment ne pas être bouleversé à la lecture de cette nouvelle : illustration d'un pont entre deux civilisations qui met l'accent sur la bêtise face à l'individu repoussé avant d'être connu et la "Société" dont on relève qui, malgré des îlots de résistances, nous entraîne à terme vers la soif de pouvoir, aux pleins sens du verbe : panurgisme, ADN humain... (L.R.)

Mélanie sentit son cœur s’affoler, taper. Le sang afflua à ses tempes, elle vacilla, s’appuya contre la table qui la séparait du médecin et s’écroula, tassée sur elle-même, repliée sur son propre corps, la tête sur les genoux, avec un hurlement de bête blessée, sorti du fond de ses entrailles, qui se mêla aux sanglots que l’on entendait partout dans cette grande salle d’attente bondée de l’hôpital .
Le médecin répéta : « je suis désolé Madame, il n’y avait aucun espoir de le sauver. Votre mari a reçu, en pleine poitrine, sept balles, à bout portant. Il n’a pas souffert. ». Quelqu’un la releva et la conduisit doucement vers l’accueil pour "les formalités de restitution du corps". On lui tendit le sac contenant les papiers de Djalil...

*****

Djalil, son amour ! Son amour conquis de haute lutte ! « Tu es folle ma fille » s’était écrié son père, assis sur le canapé Voltaire, si inconfortable mais si classe, de leur somptueux duplex dans ce quartier chic. « Tu ne peux pas épouser ce garçon, ce... comment déjà ? Ah oui, Djalil ! Et je te rappelle que tu es encore mineure, tu as besoin de mon consentement ! Tu n’as que 17 ans ! Avec ton bac à 15 ans, un avenir brillant t’est promis, quand tu auras fini ta médecine. Tu ne vas quand même pas tout gâcher sur un coup de tête ! »
Peu lui importait que Djalil soit ingénieur en agro- alimentaire, et qu’à 25 ans à peine, il soit propriétaire de son petit appartement, à deux pas de Montmartre ! Ses parents ne voyaient que son origine très modeste, fils de marocains, émigrés depuis 30 ans. Même s’il était né en France, il était musulman et eux catholiques... Mélanie s’entêta et devant son inébranlable volonté, ils s’inclinèrent. Ils connaissaient cette détermination farouche dont elle était coutumière et qui la conduirait, sans nul doute, à couper les ponts avec sa famille. Son choix était fait.
C’est le cœur en berne, qu’un jour de l’an passé, un an jour pour jour, ils accompagnèrent Mélanie qui épousait Djalil. A la mosquée d’abord, puis à la mairie. Il n’y eut pas de cérémonie à l’église, ni de bénédiction par le curé de la paroisse, mais la fête fut belle. Les femmes de la famille de Djalil, avaient revêtu pour l’occasion, des longues robes traditionnelles marocaines colorées, qui contrastaient avec les tenues chères et chics mais ternes des parents de Mélanie.
Ils n’aimèrent pas grand-chose de cette célébration ! Ni le henné dont les mains et le front de leur fille étaient ornés, ni sa sobre robe blanche aux manches longues et au col montant, ni le voile de coton qui emprisonnait totalement ses beaux cheveux blonds mais mettait cependant en valeur ses yeux verts, ni les pâtisseries, trop sucrées à leur goût, ni les danses, ni les chants, rien ... Pourtant, le gigot d’agneau et les petits légumes mijotés étaient succulents. Mélanie et Djalil radieux, coupèrent la classique pièce montée, couronnée de deux cœurs enlacés.
Ils ne partirent pas en voyage de noce, Mélanie avait des partiels deux jours après. Ce serait pour plus tard, en été peut-être ? Ils ne partirent jamais.

*****

Elle se souvenait encore de sa joie quand elle lui annonça qu’elle attendait un bébé ! Un peu vite, certes, ils n’avaient pas encore appris à se connaître vraiment, mais qu’importe. Comme ils l’ont imaginé cet enfant ! A qui ressemblerait-il ? Aurait-il ses cheveux blonds à elle, ses yeux noirs à lui ? Et leur amour grandissait en même temps que son ventre s’arrondissait.
La grossesse de Mélanie était difficile, elle dut rester au repos dans leur petit appartement. Elle déclina l’offre de ses parents de venir s’installer chez eux. Ils nourrissaient le secret espoir de pouvoir « la récupérer », elle et son bébé, qui sait ?
Djalil, le soir, passait de longs moments à parler à son bébé dans le ventre de sa maman. Il lui chuchotait des mots d’amour, lui racontait la belle vie qu’ils auraient tous les trois, puis tous les quatre, plus tard, pourquoi pas ? Il voulait une grande famille, comme la sienne .Mélanie, la fille unique, lui disait en souriant : « on va déjà faire ce bébé-là, et on verra après ! » Quand elle jouait du violon pour lui, elle sentait son ventre onduler comme s’il abritait une petite chenille danseuse et mélomane ! Cela les faisait beaucoup rire !
Mélanie et Djalil adoraient la musique mais ils avaient des goûts bien différents. Sa culture musicale, la dirigeait vers du classique ou de la variété française et anglo-saxonne, très sages. S’il aimait aussi Bach et Mozart, il se délectait de groupes de heavy metal ou hard core. Les danois King Diamond ou l’américain Dysrhythmia, où elle l’avait accompagné, pour lui faire plaisir mais sans enthousiasme.
Pour rien au monde, il n’aurait raté le groupe californien des Eagles of Death Metal , qui se produirait au Bataclan, le vendredi 13 novembre. Il avait acheté, assez cher d’ailleurs, une place. Une seule, car Mélanie, à un mois de la naissance du bébé, était très fatiguée. Elle avait des cours à revoir, qu’elle venait de recevoir par internet.
Il l’embrassa tendrement avant de partir, caressa son ventre rond, murmura « bonne nuit bébé, sois sage avec maman ! ». En riant, il dit : « vendredi 13, ça porte bonheur ! » ...

*****

Le soir des obsèques de Djalil, dans le carré musulman du cimetière, où ses cendres furent répandues sous un olivier, elle ressentit les premières douleurs de l’enfantement. Un mois trop tôt. Mais le bébé voulait peut- être libérer cette maman, dont le chagrin remplissait tout son ventre et lui prenait toute la place ?
Lorsque la sage-femme posa sur son ventre sa petite fille, le trop plein de larmes contenues depuis la mort de Djalil, s’écoula soudain, inondant le visage froissé de son bébé, qu’elle embrassait en le blottissant contre elle. « Comment allez-vous l’appeler ? » lui demanda doucement une infirmière ?
Avec Djalil, ils avaient décidé de lui donner deux prénoms, en hommage à leurs deux cultures. Alice, comme sa grand-mère à elle et Azziah, comme la sienne. Alice-Azziah.
Mélanie, répondit : « Azziah-Alice », inversant ainsi, volontairement, les deux prénoms.
La bouche de la petite chercha son sein et s’en empara avec un petit soupir d’aise. Son regard étonné, s’ouvrirait sur un monde où il n’y aurait pas de papa pour la chérir ni pour tenir la main de sa maman.
Mais, peut-être était-il là, l’espoir de demain ! Dans cette petite fille si belle, sa princesse métisse, dorée comme l’ambre, si brune, si douce, et qui serait un parfait mélange de son papa et d’elle-même. Elle porterait en elle les deux cultures, dans ce qu’elles avaient de meilleur.
Elle lui murmura : « Azziah-Alice, ton papa et moi, nous t’aimons mon amour ! Tu sens comme il nous protège ? »
Et elle ne pleurait plus