La première canne de Koufra et la canne légendaire.
Général Dio
Leclerc ne boitait pas. Il s’est cassé la jambe sur une chute de cheval alors qu’il était instructeur mais sa canne était une habitude qu’il a prise pour marcher, désigner quelque chose... A cette époque beaucoup d'officiers avaient un stick.
« Il est difficile de ne pas évoquer la silhouette du Maréchal Leclerc sans sa canne légendaire. Je le revois fort bien arpentant la route d'Oyem à Mitzic au Gabon, la canne à la main.
Pourtant, lorsqu'il débarqua à Douala, le Maréchal avait les mains vides. Je me souviens fort bien lui avoir offert à cette époque, un stick de ma fabrication, fait d'un pied de caféier aux nœuds polis et réguliers.
Ce stick fut d'ailleurs égaré quelques jours plus tard et je crois pouvoir affirmer que le maréchal acheta à ce moment une canne quelconque à poignée recourbée dans une boutique. Cette canne le suivit au Tchad et naturellement à Koufra.
Le 18 février 1941 après-midi, lors du premier accrochage avec la Compagnie Saharienne Italienne, le Maréchal qui dirigeait personnellement le combat, égara sa canne.
Le 19 mars au matin, après avoir occupé, de nuit, le terrain d'aviation, la caserne des carabiniers et le Sottozona, je partis à la recherche du général sur le plateau rocheux d'Elgad dans la Humber du commandant Parazols. Deux ou trois Ghiblis tournoyaient dans le ciel et arrosaient copieusement le détachement Geoffroy en surveillance face aux sorties du fort.
Les évolutions de ces avions malintentionnés obligèrent le commandant Parazols à s'arrêter et à camoufler sa voiture dans les ravins, théâtre du combat de la veille. C'est ainsi que nous retrouvâmes, contre un rocher, la canne du Maréchal en compagnie d'un objet dont je n'ai plus souvenance.
L'alerte passée, nous nous remîmes en route et aperçurent le Maréchal en compagnie du capitaine Guillebon, à mi-pente d'un piton d'où il observait la fuite de la compagnie Saharienne Italienne étrillée pour une seconde fois. Le terrain était mauvais, la Humber fut laissée sur place, je rejoignis à pied.
Après lui avoir rendu compte de mon activité nocturne, je lui annonçais que j'avais retrouvé sa canne et qu'elle se trouvait dans la voiture de Parazols. Cette nouvelle sembla lui faire plaisir.
Quelques instants plus tard, un avion italien mettait en feu la Humber et la canne pour la même occasion. La canne qui lui succéda est la canne légendaire bien connue de tous ».
Leclerc n'est plus !
Grande est la leçon qu’il nous laisse en mourant
Général René Griou
Comme l’a dit Melchior de Vogué dans "Les Morts qui parlent", nous n’échappons pas à l’emprise des disparus dans notre vie terrestre : plus grande a été leur figure, plus grande est la leçon qu’ils nous laissent en mourant.
Au milieu du grand silence du Sahara, entendez la voix d’outre-tombe du général Leclerc de Hauteclocque disant aux Français : « Toute ma vie, j’ai aimé mon pays passionnément, résolu à lui sacrifier tous les biens de ce monde ; aussi ai-je lutté sans répit contre ses ennemis jusqu’au jour où ils ont été abattus. Mais de nouveaux dangers vous menacent, que vous ne surmonterez que si la France est forte ; pour être forte, elle doit être unie et vous êtes divisés.
Lyautey vous avait appris que rien de grand ne pouvait être construit sans amour, et vous avez oublié sa leçon.
La France vient de traverser une tourmente qui l’a ramenée aux jours les plus sombres de la Guerre de Cent ans, lorsque Armagnacs et Bourguignons se déchiraient entre eux.
De bons Français ont pris, dans ces dernières années, des chemins différents pour servir leur patrie ; dans des situations aussi confuses, n’était-ce pas inévitable ? Qu’importait, lorsque ces chemins conduisaient au même but. Abandonnez donc vos haines, vos vengeances et vos discordes ; elles sont sans grandeur quand on les voit des sommets où sont les âmes des morts. Le jour où seront tombées les barrières qui vous séparent, vous pourrez envisager avec confiance les épreuves de demain.
Français, il est grand temps de vous unir.
Votre salut en dépend ! »
Merci, mon général pour cet article où la personnalité du Maréchal Leclerc, ainsi mise en lumière, puise dans notre Histoire, une conclusion d'une brulante actualité.
GB
Objets du Général Leclerc trouvés après le crash de son avion. Avec l’aimable autorisation de Bénédicte de Francqueville, fille du Général Leclerc de Hauteclocque, Maréchal de France.