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Élévation d'une stèle commémorative sur la BA 120 de Cazaux

Le colonel Pierre Charrier commandant de la Base Aérienne 120 et la Base de Défense de Cazaux souhaite faire élever une stèle commémorative afin de rendre hommage à tous les aviateurs et combattants qui, depuis 1917, ont donné leur vie pour la France en opérant depuis cette Base.

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La France Mutualiste

Prochaine permanence de France Mutualiste à l'Amicale mardi 27 mai 2025.
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Danser sur les vagues

Ce 4e opus de Marie-José ABLANCOURT, épouse d'un membre de l'amicale et une des rédactrices dans notre bulletin, peut être acheté soit sur : www.edilivre.com

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« Un soldat n'a pas beaucoup de droits, mais il en a deux, inaltérables : la reconnaissance et la mémoire ».

 René Debuire directeur de la maison Athos Cœur de Savoie.

Article issu d'un reportage réalisé par Armelle Fabre en Savoie paru sur JDNEWS N°13 du 15/12/2024. Pour ses soldats en situation de stress post-traumatique (SPT), l'armée propose, depuis 2021, des "maisons Athos ". Aujourd'hui cinq lieux en France sont chargés de redonner confiance aux soldats, de les soutenir par un accompagnement psycho-social et de les aider à se réinsérer.

Une odeur de brûlé, et Frédéric perd totalement ses moyens : crise de panique et montées d'angoisse incontrôlables. Ce gaillard de 56 ans, tout en muscles, est un ancien Légionnaire.
L'Armée, il en a toujours rêvé : à 19 ans, le jeune homme, originaire de Tahiti, rejoint "les képis blancs". Une fois la troupe d'élite intégrée, il est envoyé en Serbie, en 1993 à Sarajevo, puis dans la foulée au Rwanda, en 1994, lors de l'opération turquoise. En revenant, il sombre dans l'alcool, jusqu'à être mis à pied. Une fois son contrat terminé, Frédéric intègre la vie civile, abîmé.
Des années plus tard, le mal est le même : des cauchemars répétés, des visions d'horreur et des flash-back : effrayant. Frédéric a mis très longtemps à comprendre qu'il était en état de stress post-traumatique (SPT).
Ces blessures psychiques, l'Armée s'y est intéressée relativement récemment. Le travail commence en 1992, lorsqu'un décret établit la reconnaissance des pathologies psycho traumatiques, ouvrant droit à la réparation. Travail qui n'aura de cesse d'évoluer. En 2012, le conflit en Afghanistan entraîne à son tour une nouvelle étape dans l'attention portée aux soldats : un temps de décompression est mis en place (les fameux stages de décompression d'une semaine) et une fiche obligatoire de renseignements doit être remplie à leur sortie.
« Elle permet ensuite de faire le point avec le médecin militaire, indique René Debuire, ancien colonel, directeur de la maison dans laquelle à lieu notre rencontre. Tout cela permet de limiter la casse et de faire ce qui n'a pas été fait il y a trente ans, car les blessures psychiques ont toujours existé. Les soldats, aujourd'hui, ne sont pas plus fragiles ; seulement, ils étaient lâchés dans la nature, polytraumatisés, sans aucun suivi, ce qui était désastreux. Lui-même a été marqué au 21ème RIMa à Fréjus. En tant que commandant en second, j'ai vu beaucoup de soldats qui rentraient d'Afghanistan ou de Centrafrique extrêmement blessés. J'étais en lien avec les familles, j'ai pu mesurer la gravité des difficultés en échangeant avec les compagnes des soldats notamment ».
Quand, en 2022, il entend parler du projet Athos, qui fait partie du "Plan blessés 2023-2027", il n'hésite pas à l'intégrer. Ce dispositif, créé par l'Armée et sous la tutelle de l'IGESA (l'opérateur social du ministère des Armées) a donné naissance à des maisons Athos, soit « un programme de réhabilitation psychosociale adapté à la singularité des blessés militaires psychiques et qui a vocation à accompagner le blessé sur son parcours de reconstruction personnelle, sociale, voire professionnelle ».

Un cadre idyllique
Ici, la maison Athos, dirigée par René Debuire, bénéficie d'un cadre idyllique : il s'agit du château de la Tour du Puits, entouré de montagnes savoyardes. Ce matin, la brume se lève tout juste. Pas un bruit, si ce n'est celui de beuglements et d'une cloche au loin. À l'intérieur, le directeur, une adjointe et quatre accompagnateurs formés par le milieu social et recrutés par l'Armée.
Ce projet compte trois axes : redonner confiance au soldat, le soutenir par un accompagnement psychosocial et l'aider à se réinsérer. L'idée est née en 2021 avec une première maison. Il en existe désormais cinq en France. Avec un budget, cette année, de 4,9 millions d'euros et de nombreux projets puisque l'objectif est d'avoir dix structures en 2030. En trois ans, 450 soldats ont été accompagnés et tous gardent un attachement à leur maison puisqu'ils en sont membres à vie et peuvent y revenir si besoin. En général, ils sont arrivés là par le biais du psychiatre militaire qui évoque l'idée, lors d'un entretien... C'est en tout cas ce qui est arrivé à Simon, un jeune père de famille de 36 ans, ancien tireur au lance-roquettes. Lui aussi a intégré l'Armée très jeune, puis a enchaîné les mandats avec passion : « Chacun a sa spécificité : en République Centrafricaine, par exemple, lors de ma mission, j'ai été confronté à la barbarie. C'est forcément un choc : pratiques vaudous, cannibalisme, enfants soldats... »
Lors de sa troisième grosse opération extérieure (OPEX) au Sahel, il se souvient précisément d'un moment déclencheur, « sûrement dû à une accumulation de violence. Un bruit. Un râle, d'un de mes hommes qui agonisait et que je devais chercher. Je n'entrerai pas dans les détails. Mais, à ce moment-là, j'ai hésité cinq secondes, je n'avais pas envie d'y aller. Or, laisser courir ce laps de temps, même infime, ce n'est pas possible quand on a une vingtaine d'hommes sous ses ordres, ça les met tous potentiellement en danger de mort. »
Lucide, il contacte tout de suite le médecin qui le renvoie vers le psychologue. Très volontaire, il entreprend immédiatement toutes les démarches possibles : suivi avec un psychiatre militaire, prise de médicaments, séances d'EMDR : technique qui permet de traiter les syndromes de stress post-traumatique afin de "désensibiliser" les souvenirs, soit réussir à y penser sans revivre la scène. Lorsque le psychiatre lui parle des maisons Athos, pour lui c'est une aide de plus, il s'y rend rapidement. « Les médecins sont là pour soigner, les psy pour démêler ce qui se passe dans notre tête, mais qui s'intéresse à notre avenir ? Ici, il est possible de faire un bilan de compétences en quelque sorte ».

Ici, tout est possible.
Sur place, comme Frédéric, il retrouve des frères d'arme : « Certains, que j'avais perdus de vue, avaient servi avec moi, en Afghanistan ». Avec la possibilité de séjours en chambres spacieuses et en ateliers spécialisés de la Maison entretenue par les membres, il salue la bienveillance et l'écoute de ses quatre accompagnateurs.
Simon va accéder à son rêve : devenir pilote de ligne.
À 15 ans déjà, il avait passé son premier brevet de pilote. Ici, Marielle l'a écouté, elle a cru en lui et elle l'a également aidé, concrètement, à boucler ses dossiers pour accéder aux fonds nécessaires à sa formation.
« Être tireur au lance-roquettes, ça en jette sur un CV, mais pour retrouver concrètement du travail c'est autre chose… Ici, l'équipe a fait des pieds et des mains pour que je puisse prétendre à mes heures de vol ».
Il avoue que sans Marielle, son accompagnatrice, il n'aurait sûrement pas eu ce "déclic" qui lui a permis d'aller au bout de son projet.
En parallèle, ce père de quatre enfants retape une vieille bâtisse avec sa compagne, en attendant de devenir instructeur à l'aérodrome du Versoud. « Au début, on est un peu sceptique. Ici on nous montre que tout est possible. »
Pour René Debuire, directeur de la maison ATHOS Cœur de Savoie, maison au service de la réhabilitation de nos frères d'arme, le maître-mot des lieux doit être celui du respect :
« Je leur dis à chacun : vous êtes des blessés de guerre, vous n'avez pas démérité. Un soldat n'a pas beaucoup de droits, mais il en a deux, inaltérables : la reconnaissance et la mémoire ».
Frédéric lance un appel à ses frères d'arme : « Il est urgent que tous les anciens soldats qui souffrent de SPT et qui sont dans la nature sachent qu'ils ne sont pas seuls et qu'ils sont attendus dans ces maisons ».