Extraits de l'homélie prononcée par Antoine de Romanet, évêque aux armées françaises, lors des obsèques de Geneviève de Galard aux Invalides.
« …Certes, Geneviève s'est trouvée entre le 28 mars et le 24 mai 1954 dans un véritable enfer. Diên Biên Phû. La bataille la plus longue, la plus furieuse, la plus meurtrière de l'après seconde guerre mondiale. 15000 soldats français. 3000 morts sur place. 12000 prisonniers dont 8000 périront dans des conditions effroyables. 4000 survivants pour témoigner de l'horreur absolue de ce déluge de feu, de fer, de boue, de sang et de larmes.
Le 29 avril 1954, en la faisant chevalier de la Légion d'Honneur, le général de Castries dit l'essentiel : « ...a suscité l'admiration de tous par son courage tranquille et son dévouement souriant. D'une compétence professionnelle hors pair et d'un moral à toute épreuve, elle fut une auxiliaire précieuse pour les chirurgiens et contribua à sauver de nombreuses vies humaines. Restera pour les combattants de Diên Biên Phû la pure incarnation des vertus héroïques de l'infirmière française ».
Le 30 avril 1954 elle est faite légionnaire d'honneur de 1ère classe. Le 24 mai 1954 elle est évacuée à Hanoï contre sa volonté. À son retour à Orly elle est acclamée et fait la couverture de Paris Match (1). Le 29 juillet 1954 elle reçoit à la Maison Blanche la médaille de la liberté après une mémorable parade dans les rues de New York.
Devenue une icône sous le vocable de "l'Ange de Diên Biên Phû" Geneviève n'était dupe de rien. Elle déclare ainsi : « Jamais dans le camp retranché il n'est venu à personne l'idée de m'affubler de ce surnom éthéré. Recevoir ces honneurs me gêne vraiment, alors que je n'ai fait que mon devoir »… Dans ce camp retranché de Diên Biên Phû de 19 kilomètres sur 5 on a fini par manquer de tout, sauf de courage... « Au cœur de ce drame j'ai été un peu la mère, la sœur, l'amie »...
Innombrables sont les femmes qui dans la déréliction (2) des conflits armés de toujours, ont comme vous donné le meilleur d'elles-mêmes dans un don sans limite et sans réserve. De même qu'il y a le soldat inconnu, il y a en France la convoyeuse de l'air grand officier de la Légion d'Honneur qui en ces instants, dans la cour de l'hôtel national des Invalides, reçoit l'hommage de la Nation.
La légende dit que vous étiez la seule femme au milieu de 15.000 hommes... l'avion hors d'usage, l'évacuation impossible, on vous a laissé accomplir votre mission de soutien du moral des troupes face à l'immensité des pertes.
Mais vous n'étiez pas seule. Une vingtaine de femmes étaient sur le camp. Tout le monde le sait et personne n'en parle. Prostituées vietnamiennes et nord-africaines, elles ont collaboré, jusqu'à leur massacre, avec une admirable dignité, aux soins des blessés avec un dévouement et un courage remarquable. Et vous n'avez cessé, Madame, de batailler pour que ces femmes puissent recevoir à titre posthume la Croix de Guerre et la Médaille Militaire. Votre fils François continue cette requête dans la fidélité de votre mémoire.
Cette démarche qui ne vous a pas quittée envers ces 20 femmes du camp dit votre ouverture du cœur, votre humanité, votre bienveillance, votre solidarité, et votre pleine compréhension des réalités de la vie. Loin de vouloir accaparer la lumière, vous avez voulu utiliser les circonstances pour mettre en lumière ces femmes, devenues vos sœurs... qui avec vous ont partagé l'enfer (3)...
La vie de Geneviève s'offre pour nous en une illustration aussi simple et modeste que glorieuse et incandescente de ce qu'est une vie portée par plus grand qu'elle-même… »
(1) Nous dédouanons nous ainsi des outrages infligés dans les ports français, aux soldats du Corps Expéditionnaire (morts, blessés et rescapés des camps Vietminh) à leur retour en Mère Patrie ?
(2) Sentiment d'abandon et de solitude morale.
(3)"Les grandes Dames de Diên Biên Phû" AAAG INFO N° 96 janvier 2017.