« À 20 ans, pilote de chasse, j'ai appartenu au groupe de combat des Cigognes dès le début de l'aviation de combat. J'y ait rassemblé des souvenirs de carrière passée à la célèbre escadrille Spa 103 avec les plus grands As pour compagnons de patrouille : Georges Guynemer, Roland Garros et René Fonk notamment. Le courage et l'adresse de ce dernier, ont tiré de cet outil un rendement surhumain. »
Jean Laffray dans "Pilote de chasse aux Cigognes" paru en 1968.
Parmi les grands As qui en "14/18" se livrèrent à des duels à mort sur d'invraisemblables "Coucous", nous avons choisi de vous parler ici, de Roland Garros et de René Fonk, car ce dernier, moins connu que d'autres, reste néanmoins devant l'Histoire "l'As des As" de cette époque glorieuse où prirent naissance la "Chasse" et ses nouveaux chevaliers ! (Extraits).
Le groupe des Cigognes
La chasse en 1916 était de création récente, lorsque le général Pétain ordonna au commandant baron de Tricornot marquis de Rose, (dit "de Rose") : « Si nous sommes chassés du ciel, Verdun sera perdu. Balayez-moi le ciel ! » : l'ennemi possédait déjà 60 escadrilles dont 20 de chasse. De Rose investi d'une écrasante responsabilité motiva ses hommes : « Moi, j'y crois à la chasse, je dis bien, la chasse ! Vous êtes appelés à l'honneur de former la première escadrille de chasse... Or, je dois vous le dire, les grands état-majors, ne croient pas à la chasse. Ils déclarent qu'il est impossible à un avion d'en rattraper un autre, d'engager un combat, et de l'abattre. Il s'agit donc pour nous d'en démontrer le contraire. ».
Le groupe des Cigognes nait en juin 1916. Sous le commandement du commandant De Rose, qui trouva la mort à bord de son Nieuport 13, le 12 mai 1916; il était composé de 4 escadrilles équipées de biplans monoplace Nieuport, puis de biplans monoplace Spad, qui prirent alors le sigle Spa, 3, 26, 73 et 103. Le corps de De Rose repose dans le petit cimetière de Jonchery-sur-Vesle : sur sa tombe, une grande croix, prise dans la masse, tient toute la hauteur de l'écu où l'on trouve les six cornettes aux armes des Tricornot, et les six roses aux armes des Rose. Sur la croix, taillée en relief dans le granit, une épée nue : c'est une épée de chevalier. À la chasse, cette nouvelle chevalerie, de Rose avait donné ses lettres de noblesse.
Chevaliers du ciel
Les actes de chevalerie en action de combat allant jusqu'à provoquer l'adversaire en duel au sol sont nombreux et spectaculaires. Nous ne retiendrons cependant ici, qu'un geste tout à fait significatif de l'esprit qui présidait chez ces chevaliers de part et d'autre de la ligne de front.
Dans le brouillard matinal, encore épais, le ronronnement d'un moteur d'avion enveloppe le terrain. L'avion tourne autour du terrain, comme perdu. Il ne doit pas être bien haut. On le sent tout proche sans le voir. Ami ou ennemi ?
Les mécanos rentrent les avions dans les hangars : on ne sait jamais. Ils sont déjà émoustillés à l'idée de pouvoir examiner de près un de "leurs" appareils. Mais le bruit s'éloigne, disparaît... on n'entend plus monter dans le ciel que le chant de l'alouette.
Mais le bruit revient. Soudain, c'est l'exclamation d'un mécano : « Regardez là-bas !…» À l'angle du terrain un paquet descend doucement soutenu par un petit parachute.
Sur l'emballage, on lit : « À l'attention des pilotes de la 103. » L'intérieur contient les objets personnels de notre malheureux camarade Baux, tombé hier chez l'ennemi : portefeuille, médaille militaire, son insigne de pilote et celui de l'escadrille (la petite cigogne d'argent). Sur la note jointe, on peut lire : « Sergent-pilote Baux enterré près du lieu de sa chute. Honneurs Militaires rendus. »
Nous prenons alors résolution d'aller larguer une couronne sur la sépulture de Baux portant l'inscription : « À notre camarade, son escadrille. ». Drouilh a été désigné pour cette mission qui s'est déroulée sans aucune attaque ennemie contre Drouilh qui ne volait pourtant qu'à 100m de haut et même 25m aux approches du site.
« Quinze jours plus tard, en juillet 1918, le recul des lignes allemandes nous a permis de nous rendre sur les lieux. Nous y avons retrouvé la tombe intacte. Une croix de bois portant cette inscription : "Sergent-pilote français Baux, tombé en combat aérien". Notre couronne placée au milieu du tertre, était accompagnée d'une gerbe de fleurs des champs fanées.
L'escadrille de chasse allemande qui s'honorait de ce geste avait pour commandant le successeur de von Richthofen, le grand As Allemand qui venait d'être descendu par Fonck. Il s'appelait Hermann Goering.
On a pu à juste titre évoquer la chevalerie à propos des aviateurs qui combattaient avec honneur en plein ciel. Je me souviens de cette rencontre avec un pilote Fritz blessé, tombé dans nos lignes, qui discutait sportivement le coup : "Et si tu n'avais pas viré à gauche, j'aurais pu me rabattre et tu ne m'aurais pas eu" ! Cette absence de haine au milieu des combats était en effet une des premières vertus exigées des chevaliers. La paix venue, les pilotes allemands conservèrent, comme nous-mêmes, ces sentiments chevaleresques ». Incroyable non ?