Toubib emprunté à l'arabe "tabib" pour médecin, et issu de l'argot militaire colonial sera généralisé dès 1920, à toute la profession.
Selon Driss Ghali « L'homme colonise comme il respire. » Nous avons donc, nous aussi colonisé. Peut-être plus que d'autres ? Avons-nous été parfaits ? Bien sûr que non. Notons que depuis la nuit des temps, le caractère expansionniste, inclus dans l'ADN de chaque peuple, y conduit sous différentes formes. Hormis sous sa forme culturelle, lente mais tout aussi "assujetrice", chaque territoire conquis l'a été plus que très rarement de façon pacifique.
Concernant nos conquêtes africaines des siècles derniers, il est à souligner que si certains ont abusé de leur force, plusieurs ont fait preuve d'un insigne courage et d'une admirable dignité face au danger. C'est le cas des "toubibs coloniaux", militaires et civils.
La médecine coloniale militaire française s'est exercée de 1890 à 1968 dans des pays tropicaux d'Afrique, d'Asie et d'Amérique où tout était à créer. Médecins et pharmaciens issus des Écoles de Santé Militaire de Bordeaux et de Lyon se dispersèrent sur 11 millions de km2 pour y combattre les grands fléaux endémo-épidémiques qui ravageaient les populations. Aux postes de brousse, s'ajouta une médecine prospective itinérante qui alla au cœur des foyers endémiques. Des hôpitaux furent créés dans les grands centres urbains. Plus tard, des écoles de médecine autochtones naquirent et se pérennisèrent en Facultés. Des centres de recherches spécifiques et 14 instituts Pasteur d'outremer complétèrent ce dispositif. Ainsi, au cours des guerres coloniales et des deux guerres mondiales et malgré des moyens restreints, les résultats remarquables obtenus par ses chercheurs donnèrent à la médecine coloniale ses "lettres de noblesse". Nous retiendrons :
Alexandre Yersin, qui a isolé le bacille de la peste.
Paul-Louis Simon qui a découvert le rôle vecteur de la puce du rat dans la peste.
Girard et Robic qui, en 1932 à Madagascar, mirent au point et testèrent sur eux-mêmes le vaccin de la peste .
Jean Laigret qui en 1927 à Dakar a trouvé un vaccin contre la fièvre jaune.
Victor Le Moal, dit « Capitaine Moustique », qui a mené une lutte sans relâche contre les vecteurs du paludisme en Guinée. Chef du service d'hygiène de Conakry à partir de 1905, il fait assécher les mares, combler les troncs d'arbres et les fossés. Ses recommandations ont été reprises dans le monde entier.
Eugène Jamot, le plus souvent présenté et vénéré « vainqueur de la maladie du sommeil » en Afrique Noire.
Émile Marchoux qui a réellement révolutionné la prise en charge des malades de la lèpre en Afrique.
Albert Shweitzer, ( controversé, mais ce n'est pas le seul), médecin et théologien alsacien, qui était "la seule médecine" disponible au Gabon dans les années 1910-l930 : un homme qui s'est dédié à soigner les Noirs de l'intérieur du Gabon contre la dysenterie, la lèpre et tous les fléaux tropicaux, gratuitement au péril de sa vie et de celle de sa famille. Le magazine américain Life le désigne en 1947 comme « le plus grand homme du monde ».
Parlant de la colonisation Française : « Il n'y a ni barres d'argent à y glaner ni grand butin à recueillir ; je ne vois guère que des coups à recevoir ». Capitaine Pierre Cupet, explorant les hauts plateaux indochinois, fin XIXe siècle.
Texte issu "D'une contre-histoire de la colonisation française" de Driss Ghali (édition Jean Cyrille Godefroy)